Les textes réglementaires sur l’obligation pour les automobilistes d’équiper correctement leur véhicule durant l’hiver, communément appelés Loi Montagne 2, ne prévoient toujours pas de sanctionner ceux qui s’en exonèrent. Le respect des obligations est toujours laissé à l’appréciation et à la bonne volonté de chacun.
Depuis sa parution en octobre 2020, la loi Montagne aura été abondamment commentée et aura généré un foisonnement d’avis et de jugements contradictoires de la part d’élus locaux, de députés, de ministres, de préfets et même de juges administratifs. Ce furent autant de signaux négatifs envoyés aux automobilistes. La force du message initial s’est peu à peu affaiblie et l’objectif d’assurer la motricité des véhicules et la sécurité de leurs occupants sur les routes de montagne en hiver fut relégué après celui de ne surtout fâcher personne.
4 années de pédagogie
Pour la quatrième année consécutive, la saison hivernale a démarré sans qu’aucun texte relatif à la verbalisation des automobilistes contrevenant à la loi sur les zones concernées ne soit publié. 4 ans, c’est long pour une action de pédagogie ! 4 ans, c’est surtout la durée moyenne d’utilisation des pneus en France. 4 ans s’écoulent entre chaque renouvellement, c’est à dire le temps d’user ceux déjà montés avant d’en choisir des nouveaux. Si on peut concevoir qu’un temps d’information puisse être utile pour préparer le prochain achat de pneus, on se demande à quoi il peut bien servir après.
Certains automobilistes dorénavant bien informés traduisent «absence de verbalisation» par «absence de loi» et ne s’équipent pas au risque de provoquer des accidents ou d’en être victime. Au risque également de bloquer la circulation en prenant au piège des centaines d’automobilistes et leurs familles. En matière de sécurité routière peut-être encore davantage que dans d’autres domaines, la loi doit s’appliquer à tous. L’absence de verbalisation ne peut que faire naître un sentiment d’iniquité entre ceux qui ont fait l’effort de s’équiper pour circuler en sécurité et ceux qui ne le font pas au risque de mettre leur vie et celles des autres en danger. Sur une route devenue impraticable, les blocages sont toujours provoqués par des véhicules mal équipés qui contraignent ceux qui le sont correctement à s’arrêter.
Les automobilistes ont déjà compris
Malgré tout, beaucoup d’automobilistes s’équipent bien qu’ils y soient davantage invités que contraints. Sur les 12 derniers mois, 45% des pneus tourisme neufs achetés en France étaient des pneus marqués 3PMSF* contre 25% 5 ans plus tôt, avant l’entrée en vigueur de la loi.
La plupart des automobilistes ont compris les enjeux de la loi et adhérent à son principe comme le confirment les résultats de l’enquête réalisée en 2024 par le GiPA pour le compte du Syndicat du Pneu. 79% des automobilistes interrogés connaissent la loi montagne, 91% la considèrent comme une bonne initiative et 60% estiment nécessaire d’être équipés de pneus hiver ou toutes saisons durant l’hiver.
Le prix de l’équipement et le budget de l’automobiliste n’est pas une objection valable
Le coût d’un équipement hiver aurait pu être un obstacle, mais il n’en est rien. L’écart de prix entre un pneu marqué 3PMSF conforme et un pneu été qui ne l’est pas est en moyenne de 1,43€*. Les lois du marché et la concurrence sévère entre manufacturiers et entre revendeurs ont joué leur rôle.
La crainte d’alourdir le budget des automobilistes n’est donc en rien une objection valable. Sinon, comment ne pas redouter la réaction du propriétaire d’un SUV à Paris qui devra payer ses stationnements 3 fois plus cher que par le passé, soit 72€ les 3 heures ? Ou celle des 9 millions de propriétaires de vieux véhicules diesel obligés d’en racheter de plus récents s’ils veulent pouvoir circuler dans des centre-villes devenu des ZFE ?
La loi montagne n’a pas fait vendre plus de pneus
Autre objection souvent avancée, les objectifs supposés mercantiles de la loi. Contrairement à ce qui a pu être prédit, la loi Montagne n’a pas poussé les automobilistes à surconsommer au grand bénéfice des manufacturiers et des revendeurs de pneus.
Il est nécessaire de rappeler que les pneus ne sont changés que lorsqu’ils sont usés. De même, ils ne s’usent que lorsque le véhicule roule. Seuls le nombre de véhicules en circulation et le nombre de kilomètres moyens parcourus influent sur les volumes de pneumatiques vendus. La validité de ce principe se vérifie aisément dans les statistiques de ventes* : en 2019, 27,5 millions de pneus pour véhicules tourisme ont été mis en marché contre 24,6 millions en 2023, soit 10,5% d’unités en moins.
Une mise en oeuvre laborieuse
En 2020, c’est dans le prolongement de 2 questions écrites posées au gouvernement par des élus locaux, que le premier Ministre, Jean Castex trancha et signa enfin le Décret. Résultant d’un compromis plus ou moins bien accepté, le texte souffrait de quelques imperfections. Il visait à améliorer la sécurité par la détention de chaînes et chaussettes. Sur la neige ou le verglas, ces dispositifs n’améliorent guère la sécurité si elles sont simplement détenues dans le coffre du véhicule.
Autre question : comment ne pas contraindre les bretons à s’équiper comme des savoyards ? Aux services de l’État en région de prendre la décision. Les préfets eurent (après avis des comités de massifs) à délimiter les zones, départements par départements. Une myriade d’élus locaux fut consultés. Des arrêtés prefectoraux attaqués devant des tribunaux administratifs durent être corrigés et les zones re-découpées à la hâte.
Finalement faute de pouvoir se référer aux nouveaux panneaux de signalisation parcimonieusement et lentement installés sur le bord des routes, le conducteur n’avait d’autre choix que rechercher sur les sites internet des Préfectures de chaque département, les 53 arrêtés égrenant les (très longues) listes des communes concernées. Non sans avoir appris que certains axes comme par exemple la RN 59 ou la RD 35 du Haut Rhin étaient exclus pour des raisons qui restent toujours à éclaircir.
Des actions pédagogiques très épisodiques
Pour faire passer cette loi, l’état décida de ne pas employer les moyens coercitifs habituels et de les remplacer par des actions pédagogiques. Malheureusement, elles furent aussi rares que discrètes. Si une poignée d’automobilistes se sont bien fait sermonner par les forces de l’ordre au pied d’un col de montagne devant les cameras de France 3 , aucune action de communication nationale n’a été déployée par la sécurité routière. La plupart des automobilistes ont découvert l’existence des obligations qui les concernaient dans leur quotidien régional ou au JT de 20h. Quelques micro-trottoirs ont tenu lieu d’actions pédagogiques.
Les pneus M+S, l’imbroglio final !
2024 ne sera pas l’année qui marquera la fin de la phase de pédagogie, mais l‘année de fin de la circulation des véhicules équipés de pneus marqués uniquement M+S. En effet, le décret de 2020 prévoyait que les pneus qui n’arboraient qu’un seul des 2 marquages (M+S ou 3PMSF) ne seraient plus considérés comme des équipements suffisants dans les zones et durant les périodes concernées. Les pneumatiques en question sont en langage technique des pneus Off Road (POR). Peu connus du grand public, ils représentent à peine 1% des pneus en circulation en France. Et pour cause, ils n’équipent que les véhicules d’intervention (pompiers, Enedis, engins de déneigement, etc.), les véhicules militaires et certaines grues.
Ainsi, selon la loi depuis le 1er novembre 2024, les chasse-neiges ne peuvent plus circuler dans les zones de montagnes, les véhicules militaires tout-terrain sur roues sont désormais cantonnés en plaine et les véhicules d’intervention d’Enedis ne pourront venir réparer les problèmes causés par des chutes de neige que dans les régions où il neige peu … à moins de détenir des chaînes. Hélas, le poids des chaînes (600kg pour un véhicule 6×6) entraîne une perte de charge utile qui comme son nom l’indique est utilisée pour transporter le matériel technique nécessaire aux interventions. Le problème est entier et des choix difficiles seront à faire.
Petite satisfaction, ces véhicules de services publics ne pourront pas être verbalisés.
*source : panel GfK/Syndicat du Pneu